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Espaces remarquables et loi littoral

L’ ADRER avait raison… le bon sens triomphe toujours du dogmatisme

Conçue à une époque où l’on ne parlait pas encore de développement durable, la loi Littoral de 1986 voulait concilier la protection environnementale des rivages et leur aménagement. Aujourd’hui, la jurisprudence, prenant en compte le contexte de la loi SRU, se montre moins réticente à reconnaître la construction en continuité de l’urbanisation existante. Au vu des arrêts récents, le juge administratif affine les critères de la loi dans le sens d’une plus grande compréhension du littoral.

Nous complétons les informations déjà publiées à plusieurs reprises par ADRER à la lumière de plusieurs décisions rendues récemment par le Tribunal administratif de Toulon et la Cour administrative d’Appel de Marseille, faisant application de la loi Littoral, ainsi que les conclusions du Professeur Sousse qui les a analysés en détail.

Ces décisions, concernent la commune littorale voisine du Lavandou, dont la situation est comparable à celle du Rayol-Canadel. Elles permettent de confirmer une évolution que nous avions déjà décrite dans nos précédentes éditions de « La TRIBUNE »1

Par une décision notable, reprenant les consignes données par le Conseil d’Etat2, la Cour Administrative d’Appel de Marseille3 vient d’opérer un revirement spectaculaire de jurisprudence en déclarant qu’un espace (domaine de la Drôme à Cavalière) précédemment jugé remarquable ne l’est plus.

Dans une analyse précise de cet arrêt ainsi que d’autres jugements du Tribunal Administratif de Toulon, concernant également Le Lavandou, le professeur Sousse établit un parallèle avec le cas de la Tessonière qui empoisonne depuis plus de 20 ans la vie du village et continuera de plomber le budget communal jusqu’en 2031 (en tout 43 ans… !)

Que dit ce professeur de droit?

‘’L’espace de la ZAC de la Tessonnière ne constitue pas un espace naturel remarquable au sens de l’article L. 146-6 du code de l’urbanisme au regard :

– de ses caractéristiques propres ;

– d’importants changements de droit et de fait (adoption d’un SCOT, « effet d’échelle », existence de plusieurs espaces protégés dans le périmètre du SCOT, classement de la Corniche des Maures…) ;

– de l’évolution de la jurisprudence administrative en ce qui concerne l’analyse d’un espace en vue de sa qualification d’espace remarquable’’.

Il ajoute que cette décision étant directement inspirée par le juge suprême qu’est le Conseil d’Etat, il y a clairement revirement de jurisprudence sur la définition des espaces remarquables au sens de la loi littoral. Dorénavant les juges confrontés à la décision de savoir si un espace est ou non remarquable, devront exiger des parties qu’elles s’appuient sur des arguments précis, scientifiques. Il y a là un message clair en direction des personnes physiques ou morales telles les associations de défense qui devront y regarder à deux fois avant d’exercer des recours à tout va.

Conséquence

Plus aucun argument juridique ne s’oppose maintenant à ce que la commune du Rayol-Canadel déclare la Tessonière urbanisable.

Alors que doivent faire maintenant les élus de la commune ?

D’abord prendre conscience que la décision leur appartient ; que leur voix compte autant que celle du maire de la commune et que maintenant ce qui est en jeu n’est pas le respect d’un arrêt de 1994 complètement dépassé mais ce qui est vital est l’avenir du village. Le Conseil municipal peut désormais s’affranchir de l’alibi technique qui le verrouillait, il est maintenant confronté à un vrai choix politique, au sens le plus noble du terme :

Le conseil municipal veut-il ou non apporter au village un développement harmonieux dans la continuité historique de son économie : celle d’une station balnéaire ?

C’est la seule question ! Elle est politique, elle est uniquement politique, elle n’est plus que politique.

Maintenir la Tessonière en l’état reviendrait, non plus à respecter un vieil arrêt du CE mais seulement à privilégier les intérêts de quelques chasseurs qui en ont fait leur terrain de jeu.

Combien rapporterait à la commune une révision de son projet de PLU?

L’ADRER rappelle ici l’évaluation des retombées économiques et fiscales pour la commune de rendre à la Tessonière sa vocation initiale : 15M€ de recettes fiscales (ponctuelles et sur 10 ans) et 72 M€ de retombées économiques (ponctuelles et sur 10 ans) avec création de 15 à 20 emplois permanents, avec hélas, 20 ans de retard !

Les élus n’ont plus aucune raison de renoncer à cette opportunité financière, le terrain juridique étant désormais balayé.

Quelle doit être maintenant la position des élus ?

La 1ère chose est d’obtenir du maire de modifier le zonage de la Tessonière prévu au projet de PLU en exigeant qu’il soit modifié en AU (ou U) et en aucun cas en N (EBC) et faire comprendre que c’est la seule façon d’obtenir un vote favorable au projet.

Si malgré cette initiative unanime des élus, le maire devait persister à présenter un projet de PLU avec la Tessonière maintenue en N +EBC, il n’y aurait alors pas d’autre solution que de refuser le projet en votant contre.

Unanimement

Quelles seraient les conséquences en cas d’adoption par les élus d’un PLU prévoyant la Tessonière en zone urbanisée ou urbanisable?

Etant donné le revirement opéré par la jurisprudence, les associations et le préfet y regarderont à deux fois avant d’attaquer cette décision car ils seraient à peu près certains de perdre,

La commune pourrait se désendetter par anticipation et économiser 23 ans de frais financiers grâces aux nouvelles recettes fiscales,

Quelles seraient les conséquences en cas d’adoption par les élus d’un PLU prévoyant la Tessonière en N ?

Gel d’une situation de 20 ans devenue intolérable,

Consécration absolue de deux spoliations, celle des premiers acquéreurs (qui ne manqueront pas alors d’exercer un recours avec des chances de triompher) et celle de la commune qui, non seulement aura perdu plus de 3 millions d’euros en indemnités et frais divers, mais sera dans l’incapacité d’en obtenir l’amortissement,

Recours des propriétaires qui s’empresseront de plaider que l’espace n’est plus remarquable et qui triompheront. On aura encore perdu des années.

Paiement de plusieurs dizaines de milliers d’euros en frais d’avocat

Engagement de la responsabilité des élus et du conseil de la commune qui n’aura pas vu le virage jurisprudentiel et aura englué la commune dans de grandes difficultés.

Mesdames et Messieurs les élus quel va être votre choix?

Maintenir le blocage du développement de la commune en continuant de dépenser des frais d’avocat, ceci pour la seule satisfaction d’un maire sous influence des services de l’Etat ?

ou alors dans un élan responsable

Favoriser le développement réfléchi du village dans la continuité de sa vocation initiale de station balnéaire?

Ce choix qui est de la première importance dans le contexte de la révision du PLU va peser pour de nombreuses années sur l’avenir de notre commune. Il ne faut pas rater ce rendez-vous

Le Président

Mars 2012

** *

Annexe pour les élus qui voudraient mieux comprendre leur engagement en responsabilité

Rappel

L’arrêt de la Cour Administrative d’ de Marseille du 12/01/2012 marque une étape importante dans une longue histoire qui a vu le Conseil d’Etat ‘’siffler la fin de la récréation’’ en décembre 2009. En effet la décision de la Cour de Marseille est une décision de renvoi d’un arrêt du CE du 30/12/2009.

Que dit le CE dans cet arrêt ?

Cet arrêt est lui-même rendu contre une décision de la même Cour d’appel de Marseille en date du 16 mai 2007. Il dit que s’agissant des espaces boisés situés sur le territoire d’une commune littorale, la protection de la loi littoral (L146-6 et R146-1), qui protège les ‘’zones boisées proches du rivage’’ est applicable aux espaces qui remplissent les conditions de proximité du rivage. Or la Cour de Marseille a ‘’commis une erreur de droit’’ en écartant ‘’comme inopérant le moyen tiré de ce qu’ils ne sont pas situés à proximité du rivage’’. La Cour de Marseille aurait du se prononcer sur le moyen qui lui était soumis par la commune à savoir que ces terrains ne sont pas proches du rivage.

Cette Cour doit donc rejuger. C’est ce qu’elle vient de faire le 12/01/212.

1ère observation

Le CE rappelle que les communes, lorsqu’elles établissent leur PLU, doivent tenir compte du fait que les terrains à classer sont ou non proches du rivage.

Le CE revient sur l’étendue de l’application littoral ne devrait s’appliquer que dans la bande des 100m.

Alors que dit le nouvel arrêt de Marseille du 12/01/212 ?

Il se plie aux exigences du CE mais va plus loin dans l’analyse.

Dans un 1er temps la Cour rappelle la loi littoral:

Article L146-6 du code de l’urbanisme : « Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l’occupation et à l’utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. Un décret fixe la liste des espaces et milieux à préserver, comportant notamment, en fonction de l’intérêt écologique qu’ils présentent (…) les forêts et zones boisées côtières (…) Le plan local d’urbanisme doit classer en espaces boisés, au titre de l’article L.130-1 du présent code, les parcs et ensembles boisés existants les plus significatifs de la commune ou du groupement de communes, après consultation de la commission départementale des sites. » ;

Aux termes de l’article L.130-1 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : « Les plans locaux d’urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu’ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s’appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies, des plantations d’alignements. » ;

Aux termes de l’article R.146-1 du même code :

« En application du premier alinéa de l’article L.146-6, sont préservés, dès lors qu’ils constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral, sont nécessaires au maintien des équilibres biologiques ou présentent un intérêt écologique (…) / b) Les forêts et zones boisées proches du rivage de la mer…»

La Cour conclue qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions que, s’agissant des espaces boisés situés sur le territoire d’une commune littorale, la protection prévue à l’article L. 146-6 du code de l’urbanisme est applicable à ceux ayant les caractéristiques définies par cet article et qui remplissent la condition de proximité du rivage spécifiée à l’article R.146-1 du code de l’urbanisme.

Ensuite la Cour examine les caractéristiques précises des terrains en litige et décide que :

Ils sont situés, à une distance du rivage comprise entre 650 et 950 mètres

Ils ont de près de 7 hectares de superficie,

ils constituent pour l’essentiel un ancien camp de vacances

ils possèdent 4 171 m² de surface hors œuvre nette bâtie

‘’malgré la présence de quelques espèces particulières de mimosas, d’eucalyptus et de palmiers, vestiges d’un ancien arboretum, le secteur en litige se caractérise essentiellement par son état d’abandon, avec des bâtiments en mauvais état et une végétation envahissante composée pour l’essentiel d’essences ne présentant aucun intérêt particulier’’.

que, par suite, il ne peut être regardé comme un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral.

ils ne sont pas visibles du rivage de la plage du Layet et de celle de Cavalières car ils en sont séparés par l’urbanisation existante, ainsi que par un rideau végétal dense.

ils ne sont pas non plus visibles à partir du rivage de la plage du cap Nègre, de laquelle ils sont séparés par une frange d’urbanisation et une ligne de crête

La Cour conclue que le classement en zone U de ces terrains qui ne constituent pas un paysage remarquable et qui ne sont pas proches du rivage de la mer, sans les affecter d’une servitude d’espace boisé classé, ne méconnaît pas la loi littoral.

Ensuite la Cour examine l’application de l’article L.121-10 du code de l’urbanisme dans sa version applicable à l’époque4, qui établit l’équilibre entre le besoin de protection de la nature et le développement humain.

Que dit cet article ?

Les documents d’urbanisme ‘’déterminent les conditions permettant, d’une part, de limiter l’utilisation de l’espace, de maîtriser les besoins de déplacements, de préserver les activités agricoles, de protéger les espaces forestiers, les sites et paysages naturels ou urbains, de prévenir les risques naturels prévisibles et les risques technologiques ainsi que les pollutions et nuisances de toute nature et, d’autre part, de prévoir suffisamment d’espaces constructibles pour les activités économiques et d’intérêt général, ainsi que pour la satisfaction des besoins présents et futurs en matière d’habitat…’’5

Une fois rappelé cet article du code, les juges vérifient si le POS de la commune en fait une bonne application

Les juges font ainsi de nombreuses observations :

Il ressort du rapport de présentation que la zone UG « se borne à reconnaître les lieux où ont été autorisés des terrains de camping et de caravanage (…).

Les secteurs UGb et UGc, correspondant aux anciens terrains dits colonie de la Drôme, aujourd’hui propriété de la commune, sont entièrement viabilisés,

ils supportent par ailleurs un bâti de 5000 m² de surface hors œuvre nette sous forme de petits collectifs et pavillons (…).

Ils ajoutent que ‘’la volonté communale actuelle est de voir s’installer un ou des parcs résidentiels de loisirs, projets qui auraient pour effet de garantir une meilleure intégration paysagère dans le site en respectant le couvert végétal existant.’’

Ils observent que ‘’les constructions limitativement autorisées par le POS doivent, compte tenu notamment de l’existant déjà bâti, être de nature à permettre leur intégration dans l’environnement6 que, dès lors, le classement des espaces boisés de Cavalières en zone UGb et UGc par le plan d’occupation des sols attaqué ne méconnaît pas cet article L121-10’’.

1 Tribune N°2 ‘’Réalisme ou dogmatisme, pourquoi la Tessonière peut ne pas être ‘’abandonnée’’ ; Tribune N°5 sur les espaces remarquables ; Tribune N°6 : ‘’ Le PLU : timidité, insuffisance, incohérence ‘’ ; Tribune N°14 ‘’ Analyse comparative du projet de PLU et du POS actuel’’

2 Le Conseil d’Etat, par une décision du 30 décembre 2009 (n° 307893, Commune du Lavandou) a jugé que la Cour administrative de Marseille, en considérant que ‘’les zones litigieuses constituaient un espace remarquable, a commis une erreur de droit’’

3 Arrêt de la Cour administrative de Marseille du 12 janvier 2012 (n° 10MA00150, Commune du Lavandou). La Cour estime que les espaces litigieux, en dépit de leur proximité du rivage, ne sont pas des espaces remarquables en raison de la présence d’une « végétation envahissante composée pour l’essentiel d’essences ne présentant aucun intérêt particulier » ;du caractère dégradé du secteur ; de leur séparation des plages par une frange d’urbanisation. Analyse détaillée en annexe.

4 L210-10 (version 9 janvier 1983 au 14 décembre 2000)
Les prévisions et règles d’urbanisme s’expriment par des schémas directeurs et par des plans d’occupation des sols. Schémas et plans peuvent concerner des communes ou des parties ou ensembles de communes. Dans les cantons dont la population totale est inférieure à 10 000 habitants, la mise à l’étude de plans d’occupation des sols entraîne la mise à l’étude de plans d’aménagement rural.
5 Version actuelle de cet article

I. ― Font l’objet d’une évaluation environnementale, dans les conditions prévues par la directive 2001 / 42 / CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement ainsi que ses annexes et par la présente section 1° Les directives territoriales d’aménagement et les directives territoriales d’aménagement et de développement durables ;

2° Le schéma directeur de la région d’Ile-de-France ;

3° Les schémas de cohérence territoriale et les schémas de secteur ;

4° Les prescriptions particulières de massif prévues à l’article L. 145-7.

II. ― Font également l’objet de l’évaluation environnementale prévue au premier alinéa du I les documents qui déterminent l’usage de petites zones au niveau local suivants :

1° Les plans locaux d’urbanisme :

a) Qui sont susceptibles d’avoir des effets notables sur l’environnement, au sens de l’annexe II à la directive 2001 / 42 / CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, précitée, compte tenu notamment de la superficie du territoire auquel ils s’appliquent, de la nature et de l’importance des travaux et aménagements qu’ils autorisent et de la sensibilité du milieu dans lequel ceux-ci doivent être réalisés ;

b) Ou qui comprennent les dispositions des plans de déplacements urbains mentionnés aux articles 28 à 28-4 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs ;

2° Les cartes communales qui permettent la réalisation d’activités, de travaux, d’aménagements, d’ouvrages ou d’installations mentionnés à l’article L. 414-4 du code de l’environnement ;

3° Les schémas d’aménagement prévus à l’article L. 146-6-1 du présent code.

III. ― Sauf dans le cas où elles ne prévoient que des changements qui ne sont pas susceptibles d’avoir des effets notables sur l’environnement, au sens de l’annexe II à la directive 2001 / 42 / CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, précitée, les modifications des documents mentionnés aux I et II du présent article donnent lieu soit à une nouvelle évaluation environnementale, soit à une actualisation de l’évaluation environnementale réalisée lors de leur élaboration.

6 les constructions bien intégrées ne constituent pas une atteinte à l’environnement